Je me sens souvent bouleversée. Il se trouve en moi un désir de tout voir, de tout apprécier, de m’ouvrir complètement pour que toute la ville et la culture puissent couler à travers moi. Mais deux semaines ont passé et il me semble que Paris est une surcharge sensorielle.
La ville est trop grandiose. Elle est aussi éblouissante, et même encore plus quand on y est vraiment qu’à l’écran, dans les films et sur les photos innombrables qui déclarent leur amour pour elle, me rendant franchement…sceptique. Arrivera-t-il un moment où les lumières clignotantes de la Tour Eiffel ne m’enthousiasmeront plus, où l’architecture monumentale deviendra insipide comme le sont pour moi les gratte-ciel, et où l’hiver rendra les jardins sombres et sans fleurs ? Comme si je ne pouvais pas croire à ce que je vois, j’attends que cette façade idyllique de Paris vole en éclats, ce grand rêve magique qui, je le crains, cache la totalité de cette ville. L’idéalisation présente toujours des dangers. Elle me fait oublier ce que je remarque dans et sous les rues—comme les bras de l’homme infirme qui traîne son corps à travers le métro pour obtenir un peu d’argent et survivre, ou les yeux bleu clair, saisissants, de la femme assise sur le trottoir devant laquelle je passe chaque jour en allant à mes cours. Il y a, bien sûr, toujours un spectre de la beauté et du mal ; cependant, comment peut-on garder ces deux côtés pour connaître la réalité, ou plutôt les réalités ?
Il est peut-être impossible de comprendre le monde car il est inévitablement teinté de nos propres perspectives et opinions. Je ne veux pas voir Paris seulement à travers les images, et l’envie de réaliser toutes mes expériences ne sera jamais satisfaite. Mais en même temps, je note que la photographie a fini par devenir une façon dont j’assimile tout ce que je fais et ressens. Les photos avec lesquelles j’ai créé des collages montrent le réflexe de faire la mise au point sur les choses si quotidiennes pour distiller une journée en petits morceaux, comme mon reflet dans le miroir ou l’art de la rue ou même une photo prise par hasard. Pour moi, la photographie n’a pas vocation à saisir la vie entière parce qu’il ne s’agit pas de faire un spectacle. Ces collages m’aident à évoquer mes souvenirs et les sentiments qui y sont liés.
Isabella Ko